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APPELBAUM Barbara, « Criteria for treatment : reversibility »
APPELBAUM Barbara, « Criteria for treatment : reversibility », Journal of the American Institute for Conservation, vol. 26, n° 2, article 1, 1987, pp 65-73
Le principe de réversibilité est l’un des principes fondamentaux dans le monde de la conservation-restauration moderne.
Le terme ‘réversible’ s’appliquera à un procédé de conservation-restauration, et non pas à un matériau. On pourrait dire d’un matériau qu’il est enlevable ; il n’existe malheureusement pas de terme précis en français comme en anglais ‘removability’ qui pourrait être traduit par ‘facilité d’enlèvement’.
La réversibilité dépend de ses différentes étapes de traitement et n’est pas une question à laquelle on répond par oui ou par non. La réversibilité dépend de beaucoup de facteurs…
© 2011 Julie-Potosniak – Tous droits réservés
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Le principe de réversibilité est l’un des principes fondamentaux dans le monde de la conservation-restauration moderne. Il provient du Code of Ethics, rédigé par l’American Institute for Conservation en 1960 (section II.E) :
“Principle of reversibility. The conservator is guided by and endeavors to apply the ‘principle of reversibility’ in his treatment. He should avoid the use of materials which may become so intractable that their future removal could endanger the physical safety of the object. He also should avoid the use of techniques the results of which cannot be undone if that should become desiderable.”
Ce critère fait la différence entre les conservateurs-restaurateurs et les simples « restaurateurs » ou « réparateurs », dans le sens où le professionnel se projette dans l’avenir et non pas « répare » seulement une altération.
Bien sûr le vieillissement des matériaux de restauration, leurs interactions avec l’objet et la réponse de l’objet à l’environnement doivent être aussi nécessairement pris en compte.
Terminologie
Il faut faire attention à l’emploi du terme réversible ; par exemple il est incorrect de l’utiliser quand il s’agit de solubilité d’un matériau. Le terme réversible ne peut pas s’appliquer à un matériau, il s’applique à un procédé.
« Réversibilité » doit être réservé à une propriété de traitement qui permet au restaurateur de revenir en arrière, bien que l’objet ne puisse pas être totalement identique à ce qu’il était avant le traitement. En effet, Horie (in Resins in Conservation, 1982) note qu’aucun traitement ne peut être réversible du point de vue moléculaire.
Traitements de conservation-restauration et réversibilité
La réversibilité est à considérer différemment selon les parties du traitement.
Le nettoyage : il n’est pas réversible, il est évident que la matière enlevée ne peut pas être replacée ; d’où la complexité du nettoyage, puisque le conservateur-restaurateur doit être sûr avant de l’enlever qu’il ne s’agisse pas d’original. De plus, enlever de la matière équivaut à retirer une information historique de l’œuvre, même si dans le meilleur des cas on peut la retirer sans la détruire complètement.
La consolidation : même si un consolidant peut rester soluble, cela ne signifie pas qu’il peut être enlevé, surtout si l’application du solvant en question est dangereuse pour l’œuvre, et si le consolidant a pénétré profondément. Même un traitement considéré comme mineur, comme un refixage d’écailles à la gélatine n’est pas réversible, à cause de l’impossibilité d’accès à l’adhésif sous l’écaille, une fois le traitement terminé.
Le conservateur-restaurateur doit alors se demander quel sera le critère à considérer dans le choix du consolidant et anticiper ce qui pourrait se passer si l’œuvre, dans le futur, a besoin à nouveau d’un autre traitement.
Plusieurs autres questions découlent de cela :
- pourra-t-on réutiliser le même adhésif ?
- sinon, sera-t-il compatible avec un nouvel adhésif ?
Des consolidations mécaniques comme les doublages ou collages doivent aussi être facilement enlevables. Mais pour ce type de traitement, la durabilité est peut être plus importante, par exemple pour le collage de verre brisé. Mais les techniques modernes de conservation-restauration se doivent d’être à la fois durables et réversibles autant que possible.
Il sera nécessaire alors que le restaurateur dans le futur puisse avoir accès aux informations, documentations concernant les traitements qui auront été utilisés. Admettre d’ailleurs qu’un traitement est irréversible n’absout pas le conservateur-restaurateur de responsabilité à l’égard de son traitement. C’est alors qu’il doit prendre en compte la ‘retraitabilité’ de sa consolidation.
Les additions esthétiques : le plus haut degré de réversibilité est indispensable. Les compensations et couches protectrices doivent être facilement enlevables sans risquer d’altérer l’œuvre originale ou les autres traitements.
Dérestauration : critères et complications
Même si on a des données concernant la facilité d’enlèvement d’un matériau, on ne peut pas juger à l’avance s’il le sera vraiment dans le futur.
Pour enlever un matériau de restauration, il y a 4 questions à se poser :
- quelle est la solubilité des matériaux de l’œuvre originale ?
- quelle est la solubilité des matériaux de restauration ?
- quelle est la nature de l’interface entre ces matériaux ?
- quelle est la quantité de matière à enlever ?
Selon la nature de l’interface, on peut être amené à choisir des moyens mécaniques ou chimiques pour enlever le matériau ; par exemple, s’il y a un risque en solubilisant le matériau qu’il pénètre dans les pores du support, on se tournera si possible vers les moyens mécaniques, comme gratter au scalpel. Les considérations concernant la quantité de matière à enlever sont importantes mais très souvent négligées. Une quantité moindre d’adhésif est plus facile à enlever qu’une grande quantité du même adhésif.
Il va de soi que le choix devra se porter sur la solution qui présentera moins de risque pour l’œuvre.
Il y a une différence entre la solubilité chimique et technique, et la solubilité en pratique ; dans ce cas le terme ‘removability’ : amovibilité ou facilité d’enlèvement, est plus adapté à certaines situations.
Plusieurs facteurs sont aussi à prendre en compte :
- le temps nécessaire pour solubiliser le matériau
- l’agitation, la friction nécessaire pour enlever le matériau
- la chaleur qui peut aider la dissolution du matériau
La plupart des films secs peuvent être ramollis avec les solvants mais pas dissout complètement sous forme liquide ; et une fois ramollis, ils restent collants, ce qui rend impossible l’enlèvement sur des surfaces fragiles.
Il existe différents degrés de réversibilité :
La réversibilité n’est pas une question à laquelle on répond par oui ou par non.
Conclusion
Avant de choisir un traitement, les questions à se poser à propos du principe de réversibilité seront les suivantes :
- quelle est la relation entre la solubilité du matériau ajouté et son enlèvement ?
- si on ne peut pas l’enlever par dissolution, est ce que l’enlever mécaniquement sera possible sans altérer l’œuvre ?
- si le traitement est réversible, quelle sera la difficulté, le coût, la perte de temps et le risque de l’opération ?
- si l’enlèvement d’un matériau est impossible, sera-t’il possible de re-traiter l’œuvre, avec le même ou un autre matériau ?
- jusqu’où des changements esthétiques peuvent être réalisés sans altérer les traitements structurels ?
- pour quelles raisons pourrait être nécessaire un re-traitement, et comment pourra t’il être efficace ?
Même si on essaye d’anticiper, on peut seulement imaginer les pièges de nos traitements. C’est pourquoi les traitements doivent être en théorie autant que possible réversibles.
Mais la réversibilité ne doit pas être nécessairement la première propriété du traitement, en effet certains traitements réversibles peuvent être dangereux pour un objet, de la même manière qu’un traitement irréversible dans certaines conditions peut être la meilleure solution.
D’autres propriétés peuvent être prépondérantes : la compatibilité, la réponse aux changements de température ou d’humidité relative, le développement de tensions, la production de sous-produits d’altération dangereux.
Mais la plus importante qualité d’un traitement est s’il traite l’altération. Tout doit être jugé cas par cas.
Même si un traitement est inévitablement non-réversible, le conservateur-restaurateur n’est pas absout de responsabilité envers le futur. Nous faisons notre travail pour qu’au mieux l’œuvre soit traitée pour la dernière fois, cependant toute œuvre d’art sera encore traitée dans le futur et nous devons anticiper ces futurs traitements.
© 2010 Julie-Potosniak – Tous droits réservés
Tags : retraitabilité, réversibilite, conservation restauration, déontologie
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